micro-travail

L’intelligence Artificielle, pas si intelligente qu’on pourrait le penser !

A entendre les acteurs et les entreprises du numérique, l’Intelligence Artificielle – IA – remplaceraient peu à peu la plupart des activités humaines. « Automation », « machine learning », « deep learning »…  ne sont que quelques termes les plus courants qui font référence aux algorithmes « révolutionnaires » d’IA. Grâce à ces algorithmes, les machines dotées de l’IA seraient capables d’apprendre par elles-mêmes, deviner nos intentions de recherche, nous proposer les meilleures réponses à nos questions en examinant nos comportements par le biais des objets connectés. Qu’en est-il en réalité ?

Les dessous de L’IA : le micro-travail ou le digital labor

L’étude réalisée par Antonio Casilli (enseignant-chercheur à Télécom ParisTech et membre de i3 – Institut Interdisciplinaire de l’Innovation, CNRS) et Paola Tubaro (chargée de recherche au CNRS, au Laboratoire de Recherche en Informatique) démontre combien l’IA a besoin du travail et de l’intelligence humains pour pouvoir fonctionner correctement. Cependant, ce travail n’est pas réalisé par des ingénieurs ou experts du numérique, mais par des travailleurs précarisés à travers le monde.

Le micro-travail est un ensemble de petites et simples tâches exécutées sur des grandes plateformes  commanditées ou créées principalement  par les GAFA*. Elles sont consacrées à l’amélioration des robots et des algorithmes de l’IA. Ce micro-travail ou digital labor, qui apporte à leurs usagers un petit complément de revenus (allant de quelques centimes à quelques euros par tâche), est présenté par les plateformes qui le distribuent comme une activité presque ludique. Il permet pourtant à ses mêmes plateformes de réaliser d’importants chiffres d’affaires.

* Google, Apple, Facebook et Amazon.

Qui sont les micro-travailleurs ?

Les micro-travailleurs, appelés aussi « les travailleurs du clic », représente des millions de personnes disséminées à travers le monde. Ce sont des femmes et des hommes qui sont le plus souvent localisés dans des pays à faible revenus (Bangladesh, Madagascar, Inde etc.) mais pas que… La France compte à ce jour 260 000 micro-travailleurs !

Les micro-tâches effectuées sur les plateformes en ligne jouent un rôle clé dans le développement de  l’Intelligence Artificielle.

Le  projet DiPLab (Digital Platform Labor)* a identifié trois types d’utilisations essentielles du micro-travail pour assurer le bon fonctionnement de l’IA :

  • IA Préparation : à ce stade, les micro-travailleurs  sont impliqués dans la préparation de bases de données destinées à la formation de la machine learning. Le micro-travail est indispensable à l’entrainement de l’algorithme de cette dernière. Les travailleurs du clic étiquettent et nomment les images, transcrivent des mots, explicitent les conversations vocales… pour que la machine learning puisse comprendre les données provenant des utilisateurs. Pourtant, cet algorithme est présenté comme une machine autonome capable d’apprendre par elle-même.
  • IA Vérification : les technologies utilisant l’IA (moteurs de recherche, objets connectés, logiciel de reconnaissance de texte…) ne peuvent se passer d’un contrôle qualité effectué par des humains. Encore une fois, ce travail est réalisé par les micro-travailleurs. Il s’agit alors de vérifier si les moteurs de recherche ont bien sélectionné les réponses attendues, si les textes ont bien été compris, les conversations bien interprétées…
  • IA impersonation (imitation) : à ce niveau, il est question pour les microtravailleurs de simuler l’Intelligence Artificielle. Autrement dit, de faire semblant d’être une Intelligence Artificielle autonome. En effet, la plupart du temps, les systèmes d’IA ne sont pas capables d’effectuer des tâches de façon complètement indépendante. Néanmoins, certaines entreprises qui ont largement recours au micro-travail commercialisent des solutions censées être de l’IA.

*Coordonné par Antonio Casilli (enseignant-chercheur à Télécom ParisTech et membre de i3 – Institut Interdisciplinaire de l’Innovation, CNRS) et Paola Tubaro (chargée de recherche CNRS au Laboratoire de Recherche en Informatique), le projet de recherche DiPLab réunit des chercheurs provenant d’horizons différents dans les sciences sociales.

Micro-travail = micro-salaire, une menace pour l’institution salariale ?

La protection de l’emploi est l’un des fondamentaux des politiques françaises.  Cependant, le micro-travail ne bénéficie pas d’un véritable encadrement contractuel et il fait exception par rapport aux normes légales.

Cette situation atypique débauche naturellement à l’apparition de structures particulièrement précaires. Des emplois peu, très peu ou pas du tout rémunérés fragilisent des populations entières à travers le monde en les privant de toutes formes de protection.